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lundi 10 juin 2013

49 - Eloge des privilèges


Voici un texte envoyé au journal "Le Figaro". Une bonne leçon pour ses prétentieux journalistes qui se targuent de travailler dans un journal gouvernemental formel, sûr, assis, de référence.

Sachons de temps à autre railler les si conventionnels et trop habituels héros de notre panthéon littéraire... Monsieur Beaumarchais, je vous tiens tête ! Pour une fois donnons la parole à l'espèce haïe :

- Figaro, parce que vous n'êtes qu'un valet vous pensez valoir votre maître à qui vous devez tout. Et si vous vous enorgueillissez d'avoir de l'esprit, je vous rappelle que vous n'avez point d'or, et encore moins de titre de noblesse. Je puis m'enorgueillir moi, d'être bien né. Mais vous, qu'avez-vous à opposer à ma particule, Monsieur le bel esprit ? S'il est vrai que tout l'or du monde ne saurait donner de l'esprit à un honnête homme, il est également vrai que tout l'esprit du monde ne saurait pour autant faire d'un valet un marquis. Valet vous êtes, valet vous demeurerez. Votre esprit, m'entendez vous, votre esprit Figaro ne pourra jamais rien y faire... Vous me devez obéissance, respect, reconnaissance. Je suis votre maître. Sans moi vous n'êtes rien. Vous êtes à mon service et si je n'étais pas là pour entretenir votre mauvaise graisse de roturier vous n'auriez pas l'occasion d'avoir tant d'esprit et si peu de modestie. Je puis être raillé par mon valet, je ne serai pas moins son maître. Mais vous ? Changez de maître à votre guise, valet vous demeurerez. Vous avez de l'esprit, cependant vous n'avez ni argent, ni château, ni titre, ni rien de ce qui fait que je suis pour vous ce sujet de joyeuse raillerie.

Vous croyez sans doute que l'esprit fait l'homme en ce monde ? Détrompez-vous. C'est la naissance, et rien que la naissance qui fait l'homme. La preuve : vous êtes un valet et vous n'êtes rien, tandis que je suis votre maître et je suis mieux loti que vous. En vertu de mon or, de mon titre de noblesse. Si vous pensez que mon or et mon titre ne valent rien, que fais-je en si haute position ? Et si l'esprit dont vous faites si grand cas vaut plus que mon or et mon titre, que faites-vous donc ici costumé en serviteur ? Vous faites le procès des privilèges injustes, de la richesse facile, du luxe honteux, de la bêtise de vos maîtres, mais Monsieur que feriez-vous si comme moi vous étiez arrivé au monde dans la soie, roulant sur l'or sans l'avoir mérité autrement que par la grâce d'être bien né, banquetant trois fois par jour sans autre raison que celle qu'il faut bien manger pour demeurer en vie, dansant tous les soirs au bal en galante société parce qu’il faut bien remplir les jours qu'il nous est donné de vivre ? Que feriez-vous d'autre ? De l'esprit vous croyez ? Certes pas ! Vous tiendriez ce semblable discours, trop jaloux de la fortune tombée du Ciel sur votre tête.

Le sort vous a fait valet et du haut de votre bel esprit vous frondez votre maître, mais au fond de votre coeur médiocre vous auriez mieux aimé être à ma place. Si à vos yeux il faut mériter les honneurs non par la naissance mais par la vertu, le travail, la religion, quel sort réserveriez-vous à ceux qui n'ont pas votre chance d'avoir de l'esprit, et qui en outre n'ont comme moi ni vertu, ni courage, ni religion ? Vous feriez mettre les seigneurs au service de leurs valets sans doute ? Et au nom de quoi la valetaille mériterait telle faveur ? Ainsi il suffirait d'être un laquais de votre espèce pour s'arroger le droit de faire la loi parmi les belles gens argentés et titrés ? Est-ce donc là votre jolie conception de l'ordre des choses ?

Taisez-vous donc et retournez à vos domestiques besognes. C'est pour cela que je vous paie, laquais ! Votre esprit vous dessert en tel cas, tandis que mon or et ma particule me mettent à l'abri de devenir ce que vous êtes. Ce qui prouve l'inanité de vos belles idées. Seul l'argent donne le pouvoir. Et même lorsque vous aurez compris cette vérité, cela ne vous donnera ni argent ni titre pour autant puisque, définitivement, vous n'êtes point de belle naissance.

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