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jeudi 13 juin 2013

208 - Mourir sous la Lune


Moi je ne veux pas mourir au Soleil.

Je préfère bien mieux rendre l’âme sous la Lune.
Les mortels ordinaires, pour ne pas dire dupontesques, veulent tous fermer les yeux avec les rayons de Râ plein la tête. Pour ces êtres primaires, ces esprits superficiels, ce sera le dernier éblouissement d’une existence vouée à la consommation, l’ultime rappel de leurs plus belles vacances à la plage, le souvenir final de leur vie de minable.

Personnellement je déteste le Soleil. Les caresses haineuses, malhonnêtes, létales de cet astre qu’adorent les estivants m’insupportent tant physiquement que moralement ! Sa lumière vive surtout qui entre dans ma chambre me déprime. Les murs et les toits sont faits pour isoler leurs hôtes des intempéries, non pour les y exposer. Les fenêtres trop grandes sont pour moi une aberration architecturale. Quand le Soleil illumine une pièce il devient un intrus et je me sens violé, pris au piège de ses tentacules enflammés.

Cette gueule cosmique totalement hystérique m’a fait assez transpirer sous ses crachats de feu, a inspiré suffisamment de sentiments vulgaires au bétail humain des classes moyennes, engendré trop de bonheur frelaté chez la gueusaille infestant les bords de mer, fait naître davantage d’hérésies chez la populace avide de congés payés pour que je lui dédie mon soupir suprême
.
C’est à la pâle Sélénée que j’adresserai ma prière de mort.

Mon regard terrestre s’éteindra sous la clarté phosphorescente de cette pierre à demi morte planant dans le coeur des poètes. Et si les nuages, le jour, l’horloge céleste réglant ses allées et venues ou quelque rempart de béton m’empêcheront de contempler sa figure sereine, son profil sage, son croissant aigu, aucune importance !

La Lune sera présente sous mes paupières closes : je n’aurai qu’à songer à son visage énigmatique pour quelle m’enveloppe de son mystère.

Et m’emporte dans son royaume mystique.

Là, sur sa surface figée, silencieuse, profonde, paisible et effrayante, j’errerai en compagnie choisie.

Verlaine à ma droite, Virgile à ma gauche, l’infini au-dessus de mon auréole, au son de ma lyre cynique et joyeuse je continuerai à dénoncer l’imbécillité de mes contemporains tout en chantant la supériorité izarrienne.

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