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vendredi 14 juin 2013

252 - Un grand timide


Certains s'imaginent que j'ai un caractère bien trempé, des moeurs étranges, des exigences supérieures. C'est vrai en ce qui concerne la deuxième et la troisième chose... Pour ce qui est de mon tempérament, on ne conçoit pas que je sois timide, effacé, discret.

En vérité je fais tout pour passer inaperçu dans la plupart des cas : au contact de la roture, lorsque je me mêle au commun, quand je suis entouré du tout-venant. Et plus particulièrement avec les minables. Je ne montre mon éclat qu'en flatteuse compagnie : beaux esprits de mon envergure et aristocrates de mon niveau.

Me montrer tel que je suis à l'engeance crapuleuse (tout ce qui ne porte pas de particule en général), c'est nécessairement me compromettre à ses yeux. Incompris de mes semblables, je n'agrée qu'aux demi-dieux.

Mes positions intolérables sur la vie, mes opinions outrancières sur mes semblables, ma sensibilité hautaine, mes goûts austères et contradictoires pour les joies et singularités de l'existence font de moi un être invivable, haïssable, odieux.

Ou adorable, selon la qualité de l'esprit de celui qui porte sur moi son regard.

Mais dans la plupart des cas je suis totalement détesté de mes contemporains. Montré du doigt non pour mes vices mais pour mes vertus, méprisé pour mon éclat plus que pour mes ténèbres absentes, réputé pour mes mystères et méconnu pour mes légèretés, on me soupçonne à raison de côtoyer des hauteurs grandioses.

Je laisse dire ce qui se dit, écoute chanter tous ces bardes sans lyre, n'empêche pas les messies de mauvais augure de me servir leur soupe froide.

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