L'homme est mort.
Pas rasé, bien coiffé, les chaussures du dimanche aux pieds, la moue hautaine, sa dépouille exhalant le formol, étendu dans son lit d'apparat, il attend.
On rajuste son col, on le salue, lui adresse des paroles solennelles. Depuis douze heures, il appartient au peuple mystérieux et intemporel des défunts. Depuis douze heures il est respectable, plein de dignité, définitivement constipé.
On fait semblant de ne pas voir la bosse sous ses mains croisées. L'appendice phallique figé dans son expression la plus éloquente, le mort émeut. De prudes veilleuses finissent par se dévouer pour dissimuler l'objet trop vaillant : un voile pieux est déposé sur la forme importune.
La turgescence profane n'ayant pas disparu pour autant, une vieille fille décatie se propose de couvrir le corps du trépassé d'un épais et luxueux linceul. Mais décidément indécent avec sa trompe rebelle, le cadavre est finalement conduit jusqu'à sa couche de marbre en grande tenue : paré de son suaire de dernière minute. On scelle le cercueil avec cette ample feuille de vigne cousue d'or et de soie.
Au retour des funérailles, la vieille fille âgée émet des réflexions déplacées à propos des joues de l'inhumé, loin d'être glabres. Une pleureuse soucieuse d'économie est contrariée par la perte d'un tissu fait de fibres précieuses, emporté dans la tombe avec son hôte. Une âme dévote fait une remarque admirative au sujet des moeurs chrétiennes de celui que l'on vient de mettre en terre.
Mais nul n'ose faire la moindre allusion à la bosse post mortem ayant gonflé immodestement sa braguette.
dimanche 20 mai 2007
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