Flânant dans le cimetière d'un village de Normandie, je m'attardai sur la tombe de quelque notable décédé au début du vingtième siècle. La pompe désuète de la sépulture -majestueuse- contrastait avec l'humilité des autres tombes. La pierre était érodée mais on y distinguait, gravé en forme de médaillon, un profil auguste indiquant l'origine sociale élevée du défunt. Avec ses allures d'empereur romain, le portrait du trépassé aux moustaches hautaines surprenait parmi les stèles modestes qui l'entouraient.
Je ne saurais dire pourquoi, cette tombe vaniteuse me toucha plus que les autres...
J'essayais d'imaginer ce que fut la vie de cet honorable personnage, notaire ou huissier, banquier ou juge, inhumé à proximité de gens simples de la campagne normande. Ému par cet oiseau à moustaches d'un autre temps dégageant par-delà le tombeau, intactes, des ondes de mystère, je me perdais avec délices dans la contemplation de la demeure mortuaire en forme de lit à deux personnes, rappelant un grand livre ouvert.
Vaste était la couche funèbre. Comme un drap de marbre jeté sur le mort, le suaire épais s'étendait bourgeoisement. Avec sérénité, mélancolie.
Sur la surface de la pierre je voyais le reflet matériel du ciel impalpable, le commencement tangible d'une éternité invisible, le promontoire de l'infini.
Cette tombe démesurée, bien plus que les misérables carrés où gisaient les gens simples tout autour était comme la promesse tranquille d'une survie de l'âme, la certitude de trouver un astre au fond du trou, la foi affichée en lettres de roc que la mort n'est pas une fin où tout doit disparaître mais le passage d'un monde à un autre et qu'en tant que tel il était permis d'en témoigner le plus glorieusement possible... Telles étaient mes pensées au bord du gouffre.
Somptueusement parée, la fosse du notable n'était pas vaine. Grâce à ses artifices, échos de l'invisible, elle m'a permis de regarder derrière la dalle et, au lieu de la pourriture, d'y voir de la lumière.
samedi 19 mai 2007
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